Marek

Ce n'est pas vraiment un bel homme mais il dégage une autorité naturelle qui donne envie de le suivre. Ses cheveux hésitent entre le blond et le brun, ses épaules sont trapues et sa mâchoire plutôt carrée. Comme taillée à la serpe. Il abaisse les yeux vers moi et je retiens mon souffle. Malgré leur sévérité, ils pétillent de quelque chose qui ressemble à de la joie de vivre. Presque de la gaieté.

(...)

Puis, avec hésitation, je reviens vers le capitaine qui attend patiemment. Il me lance un coup d'œil impénétrable et me tend à nouveau la main. Je me sens tout à coup solennelle comme je la saisis. Il me tire devant lui sur la selle et m'assied en amazone.
« En route ! » ordonne-t-il et tous les cavaliers se mettent en branle.
Nous progressons en file indienne dans le brouillard de plus en plus épais qui semble vouloir nous avaler.
« Je m'appelle Marek, » murmure-t-il soudain à mon oreille.
« Siobhan, » répliqué-je en réponse.
« Eh bien, Siobhan, tu peux m'appeler Capitaine, comme tous mes hommes. »
J'acquiesce silencieusement tout en me demandant pourquoi il s'est donné la peine de se présenter si je ne peux pas l'appeler par son prénom. Un instant, la pensée que je lui plais me titille vaguement mais je m'en débarrasse d'un reniflement intérieur méprisant. Je suis trempée comme un chat que l'on aurait essayé de noyer, crottée malgré mon bain glacé et je n'ai jamais été jolie. Un visage trop fin, pas assez de formes pour vraiment intéresser un homme. Sans compter mes yeux dépareillés ! Je frissonne doucement comme l'air humide empêche mes vêtements de sécher convenablement. Derrière moi, le capitaine referme sa cape sous mon menton. Je tourne la tête mais il fixe son attention sur le voile grisâtre qui nous entoure.
« Où allons-nous ? »
Un minuscule sourire étire ses lèvres sur le côté.
« Chez nous... Enfin, dans notre chez nous provisoire. »
Renonçant à comprendre, je me renfonce dans le cocon douillet que forme le tissu huilé autour de moi et finis par somnoler contre le torse de Marek.